mardi 17 novembre 2020

Les gentilés : habiter sous un coin de ciel bleu de France

Villes et villages de France ! Parfois nichés au creux d’une vallée, au cœur d’une forêt, au bord d’un fleuve… Et le nom savoureux de leurs habitants !
Champ de blé et clocher de Lampaul-Guimiliau apparaissant au milieu des épis.
Contrairement à d’autres, le nom des habitants de Lampaul-Guimiliau (Finistère) est assez sage : les Lampaulais.

Deux passionnés ont créé voici onze ans un joli petit site, habitants.fr, entièrement consacré aux gentilés des quelque 36 000 communes de l’Hexagone. Ah ! que ces noms d’habitants sont intéressants ! Pourquoi ? Tout d’abord parce qu’ils contribuent à la richesse de notre langue. Imaginez ! Trente-six mille noms propres (donc dotés de majuscules) pouvant être  aussi utilisés comme adjectifs (un Parisien, un musée parisien ; un Lexovien – habitant de Lisieux –, la basilique lexovienne).

Jetez à présent un coup d’œil sur vos dictionnaires (noms propres et noms communs) ! Combien de mots référencent-ils ? Vous croyez que vous y trouverez les 36 000 gentilés que nous venons d’évoquer ! Que nenni ! Et voilà une autre raison de s’intéresser à ces mots singuliers : ils sont peu référencés.

Notons enfin que les ouvrages consacrés aux difficultés de la langue française ont longtemps accordé une place privilégiée à ces vocables à la construction parfois délicate. J’ai sous les yeux un livre édité à la fin des années soixante-dix, Parlons (correctement) français, concocté par le regretté Jacques Capelovici (agrégé de l’Université et alors animateur des « Jeux de 20 heures »). Aux côtés de règles d’accords particuliers (par exemple l’accord du participe passé suivi d’un infinitif), de noms communs au genre incertain, Maître Capelo célébrait les Bajocasses de Bayeux (département du Calvados), les Clodoaldiens de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), les Mussipontains de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle)…

Des gentilés plus qu’originaux : Toutouvillais, Bragards

Oui, ces gentilés fleurent bon le terroir, le cassoulet fait maison, l’humus d’un sous-bois par un beau matin de printemps, la galette bien beurrée que l’on déguste à la terrasse d’une crêperie armoricaine ! Ils font partie de notre patrimoine !

Dans nos villages, il n’est d’ailleurs pas rare que l’on y soit aussi attaché qu’au monument érigé, tout près de l’église, à la mémoire des Poilus. Tiens ! les poilus ! Cela me fait penser aux Pictiens, les habitants de Poil, commune du département de la Nièvre, un nom à rapprocher de celui des Ardennais de Poilcourt-Sydney : les Poilcourtois. Et il en est d’autres (gentilés), à être assez cocasses !

Savez-vous, par exemple, que les habitants de Villechien, département de la Manche, s’appellent les Toutouvillais ? Qu’à Longcochon, commune du Jura, on se souvient encore qu’une coquille administrative est à l’origine de la transformation de Longcoucher en Longcochon, et qu’en conséquence on y revendique toujours le nom de Couchetards ? Les Aiglons de L’Aigle (département de l’Orne) portent aussi un nom original, de même que les Fourchus de Fourches (Calvados), les Castois** de Cast (Finistère), les Croquants de Crocq (Creuse), les Druydes de Druy-Parigny (Nièvre), les Grâcieux de Grâces (Côtes-d’Armor), les Joyeux** de Joué-l’Abbé (Sarthe), les Théméraires** de La Chapelle-Thémer (Vendée), les Chiroquois de Chilly-Mazarin (Essonne), les Moucherons de La Mouche (Manche), les Lutins de Luc-sur-Mer (Calvados), les Plaisantins de Plaisance (Gers), les Beauvoisins* de Beauvoir (Manche), les Croûtons* des Croûtes (Aube), les Ours des Nans (Jura), les Marmots et les Marmottes de Saint-Geniez-d’Olt (Aveyron), les Jouvenceaux et Jouvencelles de Saint-Gengoux-le-National (Saône-et-Loire)… Et que penser des Marsiens** de Saint-Mars-du-Désert, en Loire-Atlantique ?


Tout aussi originaux sont les Chats-Gris et les Chats borgnes, habitants de deux communes voisines du Doubs : Métabief et Saint-Antoine (on raconte que des querelles de clochers sont à l’origine de ces sobriquets).

Les Bragards, ou Bragars, eux, sont inclassables. François Ier serait à l’origine de leur surnom. En 1544, il se serait exclamé : « Ah, les braves gars ! », après avoir appris leur résistance héroïque face aux troupes de l’empereur Charles Quint. La ville des Bragards ? Saint-Dizier !

Atrebates et Carolomacériens

Bon ! Il faut reconnaître que nombre de gentilés sont plus banals : Rennais, Parisiens, Toulonnais, Strasbourgeois… Mais même en se limitant aux seules préfectures, on en trouve de plus inattendus : Bressans ou Burgiens (Bourg-en-Bresse), Carolomacériens (Charleville-Mézières), Fuxéens (Foix), Ruthénois (Rodez), Berruyers (Bourges), Briochins (Saint-Brieuc), Pétrocoriens (Périgueux), Bisontins (Besançon), Valentinois (Valence), Ébroïciens (Évreux), Auscitains (Auch), Castelroussins (Châteauroux), Lédoniens (Lons-de-Saulnier), Ponots ou Podots (Le Puy), Cadurciens (Cahors), Saint-Lois (Saint-Lô), Arrageois ou Atrebates (Arras), Palois (Pau), Vésuliens (Vesoul), Manceaux et Mancelles (Le Mans), Montalbanais (Montauban), Spinaliens (Épinal), Balbyniens (Bobigny) ou encore Cristoliens (Créteil).

Et bien entendu, j’ai gardé mes préférés pour la fin : les Réginaburgiens de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), les Épiscopaliens de Bourg-l’Évêque (Maine-et-Loire), les Castel-Papaux et Castel-Papales de Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse), les Sparnaciens d’Épernay (Marne), les Gynépolitains de La Ville-aux-Dames (Indre-et-Loire), les Dionysiens de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les Pontellois-Combalusiens* de Pontault-Combault (Seine-et-Marne), les Dagovéraniens* de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine), les Foyalais de Fort-de-France (Martinique) et les Villacalvitiens* de Villechauve (Loir-et-Cher).
Elle n’est pas belle, la France ?


* Les gentilés suivis de ce signe nous ont été signalés par des membres du Bon usage de la langue française, sur LinkedIn : Gilles Barnet, Anne Berneur, Claude Derhan, Xavier Desvaux, Bruno Durteste. Qu’ils en soient vivement remerciés !

** Et ceux-ci ont été mentionnés dans un article écrit par Françoise Nore Un article que vous pouvez retrouver ici : « Quelques gentilés amusants ».


Vous connaissez le nom des habitants des capitales d’Amérique du Sud ? Non ? Suivez-moi : Pampa, maracas… et habitants des capitales sud-américaines.

Orthographe, grammaire, typographie, expression écrite... Un monde sans fautes !

11 commentaires:

  1. Savoureux,ces gentilés... Merci, Hervé Bodin !

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  2. Belle collection !!!! Avec toutefois une petite erreur : L'Aigle est une commune de l'Orne pas du Calvados .

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    1. "Mais c'est bien sûr..." Merci à vous, c'est corrigé.

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  3. les albertivillariens d'Aubervilliers en Seine Saint Denis

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  4. J'aime assez les Novembourgeois et Novembourgeoises de Bourgneuf en Retz (44)

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  5. Je ne connaissais pas ce gentilé et je l'aime bien aussi. Je le rajouterai certainement à l'article. Merci beaucoup.

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  6. Quel article intéressant !
    Peut-être mentionnerons-nous les Pisciacais de Poissy (dans les Yvelines) ?

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    1. Merci à vous pour ce gentil commentaire. Je connaissais les Pisciacais. C’est en effet un gentilé assez original. Il y aurait de quoi faire un article fleuve, n’est-ce pas ?

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  7. Merci pour ces précieuses infos. Je découvre le site et suis ravie de ce que j'y apprends.Juste une précision, les Boyards ou Lévitiens sont les habitants de Levier dans le Doubs ;-)

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    1. Merci à vous pour ce message et pour l'information concernant les habitants de Levier... Je vous souhaite une bonne découverte de ce blog.

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