mardi 23 février 2016

La nuit du point-virgule

Un soir de pleine lune, une conversation sur le réseau social Linkedln… Et le devoir m’appela : le point-virgule avait disparu. Je suis Harry. Harry Martin. Détective privé.

Loup hurlant à la mort un soir de pleine lune.
Tout commença par un soir de pleine lune.
« Un jour sans », comme on dit. La journée d’un privé qui s’apprête à la terminer comme il l’a commencée : les pieds sur le bureau à attendre qu’une mémé ayant perdu ses clefs toque à la porte vitrée de son agence pour le supplier de les retrouver.

Mon cendrier était plein, ma cafetière vide, ma bouteille de scotch bien entamée.

Un petit clic sur le réseau professionnel Linkedln et tout s’accéléra. « Sauvons le point-virgule ! » lançait un certain Xavier dans un message adressé au groupe « Du bon usage de la langue française ». [Conversation réelle, à laquelle cet article tente d'apporter sa petite pierre.]

Mes pieds rejoignirent le sol et les roulettes de mon fauteuil pur skaï crissèrent sur le sol pour se rapprocher du bureau. C’était une affaire pour moi !

Le point virgule… Quand Harry mène l’enquête

Damned ! Dans cette discussion, les différents intervenants semblaient avoir déjà fait le tour de la question : « Permet une pause plus longue que la virgule, moins longue que le point » ; « donne de couper un discours un peu trop dense » ; « ajoute une dynamique à des phrases qui pourraient être autrement séparées par des points »…

« Mais ! Mais oui ! m’exclamai-je soudain. Pourquoi pas ? » Une amie de ma femme m’avait récemment parlé d’un blog sur lequel elle aimait souvent flâner.

Ni une ni deux, je pianotai fiévreusement unmondesansfautes sur mon PC.
Et une virgule changea le cours de l’Histoire… Non, ce n’était pas cela ! Ah, voilà. Je passai très rapidement sur le récit sans intérêt d’un détective un peu paumé pour arriver au cœur du sujet. Je lus :

« Mon privé aime le scotch ; moi, non

« Deux cas de figure où j’utilise fréquemment le point-virgule sans qu’il puisse être réellement remplaçable par un point ou par une virgule.

«  Le premier concerne les énumérations. Imaginons le contenu de la mallette de notre détective : un couteau suisse, un briquet, une lampe torche, un passe-partout.

« “Ben ! Il est où le point-virgule ?” me demanderez-vous. Et je vous répondrai qu’effectivement il n’est pas indispensable ici. Mais il se peut que vous ayez à ajouter des précisions sur les éléments de cette liste : un couteau suisse, vieux souvenir de ses années de scoutisme ; un briquet ; la lampe torche, achetée en promo l’an dernier ; un passe-partout (“au cas où”)

Essayez de mettre des virgules ! Vous vous rendrez compte que notre point-virgule est idéal pour permettre au lecteur de bien distinguer tous les éléments de cette énumération.

«  Le second cas ? Le point-virgule me permet d’éviter de répéter un verbe (et de donner du dynamisme à mon propos) dans ce genre de phrase : Mon privé aime le scotch, la bière ; moi, non. Ce qui est plus facile à lire et moins ambigu que : Mon privé aime le scotch, la bière, moi, non.»

L’affaire était dans le sac

Silhouette du privé ayant retrouvé l’intérêt du point virgule.
« Mon affaire était
bouclée.
Encore un succès ! »
Voilà ! Moi, Harry Martin, je venais de retrouver deux indices supplémentaires pour prouver que le point-virgule était indispensable. Mon enquête était bouclée. Encore un succès !

Il ne me restait plus qu’à en informer Xavier sur Linkedln : « Xavier, un détective privé vient de retrouver votre point-virgule. Lisez ! Vous serez étonné. »
Je m’apprêtais à éteindre mon écran quand mon regard s’arrêta sur cet autre message : « Attention, l’accent circonflexe risque de bientôt disparaître sur la plupart des i et des u. »

Je reposai mon chapeau sur la table. Les affaires reprenaient.

P.-S. (1) Toute ressemblance avec des personnes réelles… (quoique).
P.-S. (2) Le message de Harry Martin a effectivement été envoyé à Xavier sur Linkedln.
P.-S. (3) Cet article sur la virgule risque également de vous étonner : Le « et » et la virgule… Je t’aime, moi non plus.


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4 commentaires:

  1. Damned !
    Je n'avais pas encore lu votre article.
    Mais il n'est jamais trop tard...
    Et je n'ai même pas réussi à placer un point-virgule. Allez, juste pour le plaisir ;-)
    Bien cordialement

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  2. Et ne pas oublier que le point-virgule est précédé et suivi d'une espace ; comme pour le point d'interrogation, le point d'exclamation et le deux-points. Pas de majuscule après le point-virgule.

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  3. Merci pour ce billet amusant et instructif. Une autre disparition programmée m'inquiète: celle du "ne" à l'oral, dans les phrases négatives. C'est pourtant une particularité de notre langue que d'exprimer la négation par la combinaison de deux éléments: "ne... pas...". Cette spécificité du français devrait être préservée, comme un élément de notre patrimoine linguistique et culturel. À la radio, journalistes et invités se passent systématiquement de la première partie de la négation, ce qui donne à leurs propos une allure tout de suite un peu négligée. C'est dommage.

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    1. Merci à vous ! Je partage votre « inquiétude » concernant cette disparition du « ne » à l'oral, d'autant plus que je la constate également, de plus en plus souvent, à l'écrit… Alors je corrige.

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