mercredi 14 octobre 2015

Un revolver à barillet sous un ciel constellé d’étoiles (les pléonasmes)

Laissez-moi vous conduire au paradis des pléonasmes ! Chut… Entrez !
marche à pied pléonasme, dune de sable pléonasme
Leur marche à pied les conduisit à monter en haut d’une dune de sable. Trois pléonasmes en une phrase. Qui dit mieux ?
Bienvenue dans le petit monde des pléonasmes involontaires !

Personnellement, j’ai une affection toute particulière pour ces innombrables assemblages de mots, la plupart du temps considérés comme fautifs, où le « je descends en bas » côtoie la « dune de sable », la « marche à pied », le « je monte en haut »… Tous ces bouts de phrase dont on sait pertinemment qu’ils sont pléonastiques (on nous l’a assez répété), mais que l’on se surprend parfois à prononcer avant de se dire intérieurement : « Zut, il m’a encore échappé celui-là ! »

Pléonasme : « Terme ou expression qui ne fait qu’ajouter une répétition à ce qui vient d’être énoncé » précise le Petit Robert, citant comme exemple vicié « prévoir à l’avance ».

« Faire une chute verticale »

Allons-y pour les plus courants : « ajouter en plus », « faire une chute verticale », « achever complètement », « une erreur involontaire », « comparer entre eux », « une heure de temps », « une petite maisonnette », « un monopole exclusif », « reculer en arrière », « passer en première priorité », « refaire encore » ou « répéter de nouveau », « il suffit simplement », « tous sont unanimes », « la topographie des lieux », « se réunir ensemble » ; « observer attentivement » ; « augmenter davantage ».

Encore quelques-uns ? Bon, d’accord : « commencer d’abord », « avérer vrai », « au grand maximum », « s’entraider mutuellement », « une apparence extérieure », « un hasard inattendu », « crier à haute voix », « mais… cependant », « mais… néanmoins », « mais… pourtant », « ainsi donc », « assez satisfaisant », « à haute altitude », « un faux prétexte », « un petit nain et un grand géant », « une double alternative », « car en effet », « se suicider soi-même », « un pédiatre pour enfants »…

Une secousse sismique ?!? Oui, pléonasme

Dans le même ordre d’idée, il sera tout aussi inutile de préciser d’un revolver qu’il est à barillet, puisque tous les revolvers en ont un, de dire d’un ciel – comme je l’ai encore lu récemment dans une enquête policière à succès – qu’il est constellé d’étoiles (constellé signifiant déjà parsemé d’étoiles).

Si le Petit Robert semble accepter aujourd’hui « dépenses somptuaires », le Dictionnaire des difficultés de la langue française (éditions Larousse) le considère toujours comme un pléonasme (somptuaire signifiant « relatif aux dépenses »). Il en est exactement de même pour « secousse sismique » (sismique venant du grec seismos signifiant choc, secousse).

Dessin de deux mains qui applaudissent.
« Applaudir des deux mains » !
Pléonasme ou non ?
Personne, en revanche, ne remet en cause des pléonasmes entérinés par le temps, tels que « saupoudrer de sel » (sau se traduisant bien par sel), ou tout simplement « aujourd’hui », formé de jour et de hui (venant de hodie = en ce jour). Mais n’en profitez tout de même pas pour abuser du très en vogue « au jour d’aujourd’hui » !

Nous avons déjà parlé sur ce blog d’une autre expression qui peut être aussi considérée comme pléonastique. Nous nous contenterons donc de vous renvoyer à ce court article consacré à « assurer le gîte et le couvert ».

Et « applaudir des deux mains », pléonasme ou non ?

Sachant que l’immense majorité de nos congénères en ont bien deux, qu’elles sont toutes deux nécessaires pour accomplir ce geste… Oui, l’expression « applaudir des deux mains » est effectivement pléonastique. Elle fait d’ailleurs partie d’une liste de pléonasmes fautifs concoctée par l’auteur d’un livre, par ailleurs excellent, destiné à préparer des étudiants au concours très sélectif d’orthophoniste.

Le très rigoureux Dictionnaire des difficultés de la langue française mentionne pourtant laconiquement : pléonasme admis (donc non fautif). Ha ! Un pléonasme que l’on a le droit d’utiliser ! Et pourquoi donc ? Tout simplement parce que l’expression a pris une signification précise que le verbe « applaudir », utilisé seul, ne parviendrait pas à retranscrire : « Applaudir sans réserve. »

Pour envoyer un CV ou une lettre de motivation, pour transmettre un document à son patron ou à un client Il vaut mieux savoir accorder ci-joint. Or l’accord de ci-joint répond à une règle bien précise, que beaucoup ont oubliée : Ci-joint, ci-jointe, ci-joints ?

Une formation en orthographe ? À Brest, à Rennes... Un monde sans fautes !

11 commentaires:

  1. article très intéressant, et amusant, dans lequel on voit que nous "pléonasmisons" tous...je souhaite juste dire que chez nous on parle d'une "heure d'horloge" et non d'une heure de temps : est-ce un pléonasme ?

    RépondreSupprimer
  2. Merci Hermeline ! Une "heure d'horloge" ! C'est très mignon, mais je crains en effet qu'il s'agisse d'un pléonasme, ou d'un certain amalgame avec "un tour d'horloge"... À moins que cette expression soit liée, dans votre région, à un contexte très particulier, par exemple si vous habitez une ville où l'on fabrique traditionnellement des horloges d'une qualité (réelle ou supposée) telle qu'il est devenu possible de dire : une heure très précise, aussi précise que celle donnée par les horloges de notre pays...

    RépondreSupprimer
  3. Je me demande si "correcteur professionnel" n'est pas un pléonasme. Correcteur étant forcément un métier. Je viens de m'abonner à votre blog, très intéressant.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup pour ce commentaire, Sandra ! Votre remarque n'est certainement pas infondée. La question ne se pose pas pour des métiers tels que « médecin », « ingénieur »... Maintenant, je pense qu'il en est d'autres pour lesquels ce complément d'information n'est pas inutile, car ils peuvent également être suivis des adjectifs « amateur », « occasionnel », par exemple « jardinier », « peintre », « relieur »… Sans compter qu'un professeur devient aussi un correcteur lorsqu'il (le pauvre) examine les copies de ses élèves.

      Supprimer
    2. J'ai entendu quelqu'un parler de « pédiatre pour enfant.». La personne en question « n'avait pas inventé le fil à couper la poudre» (authentique!).

      Supprimer
    3. Il s'agit là certainement d'un mélange d'expressions. Cela est fréquent et souvent assez amusant… Je ne sais plus quel comique parlait de « la goutte d'eau qui met le feu aux poudres » et de « l'étincelle qui fait déborder le vase ». Pour ce qui est du « pédiatre pour enfant », permettez-moi, Xavier, de l'intégrer au texte de cet article. Merci à vous.

      Supprimer
  4. Article utile! Certes, « au jour d’aujourd’hui » est bien trop flagrant mais quel est son remplaçant? "A l'heure d'aujourd'hui"?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Julie ! Merci pour ce commentaire. Il est vrai que la tournure « au jour d'aujourd'hui » a connu un effet de mode ces dernières années. La fréquence de son utilisation, la pédanterie avec laquelle elle a souvent été utilisée, l'ont rendue, j'en conviens, assez horripilante.

      Dans « Dire, ne pas dire » (éditions Philippe Rey, tome I, p. 27-28), l'Académie française revient sur le côté « particulièrement redondant » de cette expression. Elle affirme cependant qu'on la retrouve dans la littérature chez de très bons auteurs, qu'elle est très bien employée « lorsqu'il y a volonté d'insistance, pour bien marquer soit une étroite limite temporelle, soit une immédiate actualité ».
      Et l'Académie française conclut : « L'essentiel est de n'en pas abuser, mais en elle-même, cette tournure n'est pas incorrecte. »

      « À l'heure d'aujourd'hui » associerait en revanche deux mots qui ne peuvent l'être. Elle n'aurait pas plus de sens que « à la minute d'aujourd'hui », « à la seconde de cette heure ».

      Il est enfin à noter que, dans nombre de cas, « à ce jour » peut très efficacement remplacer « au jour d'aujourd'hui ».

      En espérant que ces quelques considérations vous seront utiles.

      Bien cordialement.

      Supprimer
  5. La "petite maisonnette" est une maisonnette qui n'est vraiment pas bien grande. Ce n'est pas un pléonasme mais une précision. Histoire de dire un truc, quand même.

    RépondreSupprimer
  6. Article tres interessant. En effet, les pleonasmes abondent.Une question svp peut on considerer le groupe nominal "un monde immense" comme un pleonasme?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour à vous. « Un monde immense »… Cela dépend un peu du contexte de votre phrase et de l'acception du terme « monde ».
      Maintenant, je ne vois pas de cas où il pourrait s'agir véritablement d'un pléonasme… Une redondance, tout au plus. Il existe aussi de « petits » mondes (microcosmes), celui des abeilles, par exemple.

      Supprimer