vendredi 23 janvier 2015

Tous les bateaux qui vont sur l’eau sauf les senaus (le pluriel des mots se terminant par « au »)

Au pluriel, tous les mots se terminant par « au » et par « eau » prennent un sauf… Oui, vous connaissez les constantes orthographiques. Mais là, vous risquez d’avoir quelques surprises.
Magnifique bateau à voiles sur une mer d’huile pour expliquer une constante orthographique, le pluriel des mots se terminant par « au ».
Un bateau, des bateaux, d’accord. Mais pourquoi un landau des landauS ?
Tous les mots finissant par « au » et par « eau » prennent un « x » au pluriel. Normalement, vous avez appris cela en primaire. C’est ce que l’on appelle une constante orthographique (sujet du jour). Pourtant – vos enseignants vous l’ont sûrement dit plus tard –, deux mots d’origine allemande, « landau » et « sarrau » (blouse de travail), font entorse à cette règle (des landaus, des sarraus).

De la même manière, vous avez assimilé au cours de votre enfance bien d’autres constantes orthographiques : les mots finissant au singulier par « s », « x » ou « z » ne changent pas au pluriel ; les mots commençant par « dif » prennent toujours deux « f »…

Toutes ces constantes, ou presque, sont suivies dans leur formulation d’un petit mot que vous n’avez jamais entendu prononcer sans qu’un petit « gloups » ne vienne titiller vos amygdales… : « SAUF ». Les noms communs commençant par « ab » ne prennent qu’un seul « b », sauf « abbé » et les mots de sa famille ; les mots en « ou » prennent un « s » au pluriel, sauf « bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou, pou », auxquels certains ajoutent aujourd’hui « ripou » (pourri en verlan)…

Constantes orthographiques : entre laxistes et rigoristes

Vous connaissez sûrement le Bled, ce petit manuel qui donne un grand nombre de constantes orthographiques. [Personnellement, je n’ai pas été « élevé » au Bled, mais beaucoup de personnes m’en parlent avec une nostalgie telle qu’un Marcel Proust devait en ressentir lorsqu’il évoquait sa madeleine.] Bon, j’approuve : c’est très bien de nous donner toutes ces petites astuces qui nous simplifient la vie, mais encore faut-il qu’elles nous la simplifient vraiment. Un professeur a voulu un jour me faire avaler une prétendue « constante orthographique » de… quarante et quelques exceptions ! ? ! N’en jetez plus !

Excès inverse, certains manuels refusent aujourd’hui d’évoquer ces techniques de mémorisation, arguant que seule la visualisation des mots permet de retenir leur orthographe. Et puis, vous pensez : être obligé d’apprendre quelque chose par cœur ! à notre époque !

Mes élèves et stagiaires sont pourtant bien contents de savoir que tous les mots finissant par le son « eur », même lorsqu’ils sont féminins, s’écrivent « e-u-r », sauf (ça, on n’y coupe pas) : « beurre, demeure, heure, heurt et leurre ». Cela leur évite bien des erreures.

De même, combien de fautes seraient évitées si l’on retenait que tous les adjectifs en « gable » se terminent bien ainsi (fatigable, irrigable), excepté – parce qu’il en fallait bien un pour se distinguer – distinguable ?


C’était pourtant génial

Ces constantes, utiles, efficaces, faciles à mémoriser, ne sont pas plus de trente. Elles concernent plusieurs milliers de mots. Aucune d’entre elles ne dépasse les dix exceptions… Enfin, encore faut-il être assez prudent en la matière. Il arrive en effet que, tout heureux d’avoir appris une telle règle dans un ouvrage de « référence », on tombe un peu des nues lorsque l’on rencontre une exception que notre livre, « pourtant génial », ne mentionnait pas.

Pour reprendre l’exemple du pluriel des mots en « au » et en « eau », nombre de manuels sont catégoriques : les seules exceptions sont « landaus » et « sarraus ». Et les unaus alors ? Ces mammifères d’Amérique tropicale ! Et les graus ? Ces petits chenaux du Languedoc ! Voici quelques mois, mon regard s’est arrêté sur un autre mot, désignant un bateau : un senau. Pluriel : des senaus !


Sur le même thème, vous aimerez aussi : Tous les bleus des cieux, les mots se terminant par eu.

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8 commentaires:

  1. Un joli article avec un zeste d'humour qui mérite bien un petit exercice d'application :
    http://mamiehiou.over-blog.com/les-noms-qui-se-terminent-par-au-aux-aus-eau-eaux-eu-eux-eus-oeu-oeux-ou-oux-ous
    Vos lecteurs le feront en un clin d'oeil, j'en suis bien sûre. Zest !
    Bonne journée !

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  2. Merci bien, Mamiehiou ! Je conseillerai également volontiers votre test sur les participes passés. Il est assez "diabolique".

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  3. Mon premier est un ordre
    mon second est premier,
    mon tout prit l'eau après un mile nautique.

    Qui suis-je et ou coulais-je?

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  4. Un ami d'une cousine répond le Vasa, à Stockholm. Va(s)a. C'est bien cela ?

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  5. Merci,Hervé ! Je ne pense pas devoir modifier ma méthode grammaticale pour y inclure "ripoux"... Mais les deux noms en -aus retiennent toute mon attention. Une dictée perverse pourrait me faire chuter. Qui sait ? 😉😊

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  6. Article très intéressant, comme toujours !

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  7. Merci Xavier ! Cela me fait vraiment plaisir de recevoir de vous un « signe de vie ». Si vous avez trouvé un groupe dans lequel vous aimez « sévir », n’hésitez surtout pas à me le faire connaître.

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